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Il y a quelques années que cette drôle de péniche s'amarra rue du Baigneur.
Éclats de jazz, de rire, de vie, de cœur, ce n'est pas un bar de nuit,
c'est un bunker de verre : un lieu de résistance... ... à la bêtise ambiante,
à l'acculturation générale et aux coups bas de la vie...
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u y croises de hauts commis de l'Étatqui épongent leur ennui, de vieux Arabes qui regardent le bled monter du fond |
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Les
autres soirs, quand il n'y a pas de tournoi d'échecs, on croise au
Bab-Ilo des amoureux qui mêlent doigts et regards au fond de la salle, |
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du boc dans une bulle de bière, des mecs étranges qui jouent aux échecs
la nuit et que l'on aurait peur de croiser le jour. Et puis un musicien
du studio d'à côté qui s'imagine que le monde est un chant, quelques
plumitifs – "Monde diplo" ou "Libé" – qui sirotent au comptoir l'encre
de quelques événements pas digérés. Encore : l'ombre de Kateb Yacine
dont c'était l'un des bars de prédilection, un percussionniste libanais
qui marie le jazz et le Moyen-Orient. Toujours : la vie qui passe
dehors et qui te fait la grâce de tourner un peu moins vite à
l'intérieur, histoire de prendre le temps de la regarder.
Début du siècle, les lesbiennes de Paris se réunissent
dans un cabaret, rue du Baigneur, et en font l'un de leurs hauts lieux.
Le Bab-llo en a conservé la lourde porte avec le judas et les vitres
dépolies où d'athlétiques naïades affrontent une mer agitée. A gauche,
les bougies découpent la salle en petits territoires : table de bois et
moleskine rouge. Au mur, les expositions tournent, peinture ou photo.
Le comptoir, à droite, et derrière, le barman veille au grain. Tous les
jeudis soir, ils sont de couscous. Et kabyle : sans sauce, mais cuit à
la vapeur avec des petits légumes et servi avec de l'huile d'olive, la
semoule est légère et n'a pas la muflerie de continuer à gonfler dans
l'estomac. Elle accompagne caille, brochette et merguez, et ce
"makfoul" renouvelle l'idée que l'on peut se faire du couscous.
Le samedi, le Bab-llo vit le jazz en direct : la
chaîne qui distille les standards tout le reste de la semaine se tait
et donne la parole aux groupes qui viennent jouer. Pour Guy Llorca,
l'un des animateurs de "Jazz à la Goutte d'Or", "Le Bab-Ilo est l'un des endroits où je préfère jouer à Paris : il y règne une ambiance unique..."
Rue du Baigneur, sa majesté le jazz ne joue pas les snobs, comme au
quartier Latin. |
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des rêveurs qui expliquent le monde au comptoir et des mecs qui mettent un peu de whisky dans le goudron de la nuit.
“D'où vient ce nom ? Bab-llo, c'est l'ancienne écriture de Babylone...”.
Passée la porte, tu entres en contact ou pas... La salle ou le
comptoir. Ce n'est pas un cercle fermé, c'est une famille. Ouverte.
Chacun y amène sa gueule, ses grands rêves et ses petites tricheries.
Il se touille dans cette étrange auberge espagnole une sacrée paella
métaphysique. Certains observent en silence le numéro que d'autres ont
sorti à la roulette de la “tchatche”. Dans ce petit théâtre, les
acteurs sont transparents comme la nuit, quand elle engrosse la lune.
Les masques translucides dont ils s'affublent ne créent l'illusion que
si l'interlocuteur l'accepte. On ne te demande pas ta carte à l'entrée
: tu seras pris pour ce que tu es, ou pour ce que tu montres... Sois
prudent : la nuit, c'est souvent la même chose.
“Les gens, il conviendrait de ne les connaître que
disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, Alors, on se prend un
verre en regardant loin derrière la glace du comptoir et l'on se dit
qu'il est bien tard...” Un vieux fleuve arrose la rue du Baigneur :
celui du temps de vivre. Les habitués qui s'y croisent amènent tous un
peu d'eux-mêmes et le lieu appartient à ceux qui l'animent. C'est ainsi
que l'a voulu son créateur, et les novices le cherchent parfois. Il
n'est jamais derrière le comptoir et apparaît en salle, de temps à
autre. C'est alors un vieux Polonais – toque et canne – qui se prend
pour Guitry ; c'est, des fois, un médecin désespérant de l'humanité et
aimant les hommes, ou un vieil adolescent garant devant le bar son
scooter rouillé.
C'est au Bab-llo : pousse la porte et tu verras...
Paris-Goutte d'Or n°29 déc.93
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